Les gens qui comptent : Thomas, un ancien obèse sleevé qui court des ultras

Les gens qui comptent : Thomas, un ancien obèse sleevé qui court des ultras
Fred
Fred
Coureur hédoniste.
Publié le 27-04-2023

Changer de vie et de corps. Un sacré défi que peu de gens peuvent relever. Thomas, non seulement il a réussi, mais aujourd'hui, il se donne comme mission d'aider d'autres personnes atteintes d'obésité à accomplir leurs objectifs. Chez RUNNEA, nous avons eu le bonheur d'échanger en direct avec lui. Et on pense que son histoire parlera à plusieurs d'entre vous. Alors sans plus tarder, rentrons dans le vif du sujet : nous vous présentons Thomas Billot, un ancien obèse qui court des ultras et un « baby-aventurier » (il est modeste !).

J’aime bien commencer les entretiens par la question la plus basique : qui est Thomas Billot ?

Je suis Thomas et j’ai 33 ans. J’ai toujours été plus ou moins sportif. J’ai joué au handball à un niveau pas trop mal, j’ai fait du VTT et du ski de fond. Puis, mon sport principal est devenu le rallye automobile.

En 2009, j’ai un grave accident qui me laisse pendant une longue période à l’hôpital, notamment pour la rééducation. Ensuite, j’ai voulu reprendre le sport, mais ça a été dur de s’y remettre.

Comme dans le centre de rééducation on était assujetti à l’apéro, j’ai pris pas mal de kilos. À cela, il faut ajouter la vie sédentaire d’un commercial bon vivant qui mangeait au restaurant tous les midis.

Quel a été le déclic ? Quand est-ce que tu as décidé de faire ton opération ?

En 2016, à la naissance de ma fille. J’ai pris conscience qu’un papa de 30 ans avec 145 kilos, ça n’irait pas dans le long terme.

J’en ai donc parlé à mon médecin et en 2019, on a mis en place l’opération. Ce fut un vrai tremplin pour avancer et prendre soin de moi.

En février 2020, l’opération de l’estomac a lieu et je perds 65 kg en un an, j’ai repris le sport et j’ai fait un changement total de mon alimentation.

Aujourd’hui, je fais tout ce que je critiquais avant : de longues sorties de trail et vélo, je suis tombé dedans ! En juillet 2020, j’ai fait mon premier Trail des Hauts Forts à Morzine (23 km pour 2000 de dénivelé positif), accompagné de mon père et de mon frère.

Ton obésité est venue petit à petit ? Quelles étaient les autres voies sans opération ? Qui décide de faire l’opération : toi ou les médecins ?

J’ai toujours été obèse, à 18 ans je pesais déjà 115 kg et j’ai eu des problèmes des thyroïdes étant plus jeune. Après, le métabolisme est tel que ça demandait beaucoup de contraintes sans forcément de résultats pour maigrir.

Le médecin m’a proposé la solution de la sleeve. Et je suis parti pour un cursus de 6 mois entouré de plein de professionnels : des psychologues, des gastro-entérologues, des nutritionnistes, des cardiologues, etc. J’ai fait un bilan complet et j’ai monté un dossier, validé par une commission.

Il faut savoir qu’on n’opère que si ton IMC (indice de masse corporel) est supérieur à 40 % ou de 35 % si tu as des pathologies associées. Ce n’est pas un outil qu’on donne à tout le monde.

D’autant plus que si on ne change rien à notre mode de vie, ça ne sert à rien.

Au niveau de l’opération, ça doit être lourd.

Ce n’est pas si intrusif que ça : j’ai 5 points. On a tout fait à la caméra et avec des outils innovants. Je n’ai que des microcicatrices.

L’opération consiste à enlever deux tiers de l’estomac, notamment la partie où se trouve la ghréline, la glande qui sécrète la sensation faim. Cela l'inhibe et on ne la récupère souvent pas. Aujourd'hui, je fonctionne par d’autres sensations et je suis très carré sur les horaires.

Comme je fais mon mémoire de BTS sur l’adaptation alimentaire pour sportifs d’endurance sleevés (en l’occurrence, moi), j’aime bien faire des tests.

Combien de temps tu as mis pour la récupération physique et pour intégrer les changements alimentaires ?

Le premier jour, tu ne manges pas. Le lendemain matin, tu bois un liquide de marquage pour faire une gastroscopie et vérifier que l’estomac est étanche.

Après, j’ai commencé par la purée en petite quantité. Mais aujourd’hui, je mange toujours moins que ma fille de 6 ans.

Du coup l’apport calorique est le même que tout le monde mais de façon mieux répartie ?

Dans la logique oui, mais dans la pratique non. Je pense que mon corps vit avec moins de calories que ce que je dépense, mais je ne fais pas un suivi très rigoureux non plus.

Il y a beaucoup de croyances chez les coureurs par rapport au déficit calorique. On pense que c’est comme un compte en banque, plus on enlève, plus on perd. Mais si tu dis que tu es toujours en apport hypocalorique, tu devrais disparaître !

Après, il faut garder à l’esprit que ce qui marche pour moi, ne marche pas forcément pour toi. D’ailleurs, je mange des purées spéciales pour combler les déficits et je parle de l’aspect calorique. Parce que sur le plan des nutriments je suis au top selon mes analyses de sang.

Alors après ton opération, tu as fait un entraînement de février à juillet pour ton trail. Comment tu t’es pris ?

Le premier mois, il ne faut rien faire, juste marcher. Dès que j’ai eu le feu vert, j’ai commencé à courir tout de suite, en plein confinement, dans les bois à côté de chez moi. J’ai ensuite découvert le vélo de route et j’ai accumulé progressivement les sorties et les kilomètres.

Le trail a été un vrai défi, car on me disait que je ne pourrais pas le faire et moi, je voulais leur montrer que si.

Comment ton entourage t'a accompagné ?

Depuis que je me suis opéré, j’ai changé d’amis. Les gens de mon ancien chapitre ne m’ont pas suivi car les intérêts étaient différents. J’ai juste gardé mon meilleur ami qui s’en fout de ce que je fais, il sait que je suis là pour lui.

Ma famille m’a beaucoup accompagné et puis j’ai de nouveaux amis que j’ai rencontrés dans mes nouvelles activités sportives.

Quand est-ce que c’est devenu une mission pour toi d’aider d’autres personnes dans ton ancienne situation ?

Déjà le changement a été professionnel car je n’étais plus épanoui. Avec l’opération, je m’intéressais de plus à la nutrition et j’ai suivi une première formation de coach en nutrition. Comme ça m’a beaucoup plu, j’ai démissionné et j’ai intégré le BTS nutrition.

J’ai en plus enchaîné de grands défis, de plus en plus longs car je ne suis pas un coureur rapide, alors je prends plus de plaisir aux longues courses. J’ai fait la Gravel Man Mont-Blanc avec un copain et j’ai commencé à bouger sur les réseaux sociaux.

Les gens ont commencé à me contacter et à me poser des questions sur leurs insécurités et leurs peurs.

Et c’est là où je me suis dit que je devais me servir de ce que j’avais fait pour montrer aux gens le comment du pourquoi. De mettre l’accent sur ce qui importe vraiment, pas les abdos super sculptés mais la santé avant tout. Moi, j’ai des cicatrices de vie et c’est ça qui est beau.

En janvier, je suis parti en Guadeloupe pour mon stage de BTS et je tombe sur un mec génial, un ancien obèse qui fait des défis à vélo. Il pédale contre l’obésité ! Il m’a incité à faire le Tour de la Guadeloupe à vélo, c’était une super expérience.

Je reviens en France métropolitaine à la mi-février. Le 4 mars est le jour de l’obésité et je me dis qu’il faut faire quelque chose : j’ai donc organisé un 24 heures autour de chez moi pour l’obésité. Plein de gens sont venus et on en a pas mal parlé sur les médias locaux.

Aujourd’hui, le prochain défi est de faire la Grande Traversée du Jura (GTJ) en courant (je l’ai déjà faite en ski de fond). Aussi, je suis en train de créer Ultra Kilos, une association pour financer des défis et accompagner des gens qui n’osent pas se montrer ou qui ont besoin qu’on leur donne la main pour accomplir leur défis, quels qu’ils soient. L'idée est également de leur prêter du matos comme des montres GPS cardio, s'ils en ont besoin.

Je ne serai pas leur diététicien ni encore moins leur coach sportif. Mais je leur tiendrai la main pour qu’ils atteignent leur objectif.

Parlons de ta GTJ…

Le but principal est de se faire plaisir sur mon terrain de jeu qui est le Jura. De passer un bon moment entre potes, avec François Hinault, organisateur de Grand Raid du Finistère, avec mon père qui fera l’assistance, avec les copains…

Je veux également mettre en valeur les épiceries locales. On court léger et on fait les ravitaillements dans des petits commerces.

J’ai déjà pas mal communiqué sur les réseaux sociaux et plein de gens viendront courir avec nous, notamment quelques têtes d’affiche à confirmer. Hâte d'enfiler les chaussures de trail !

Alors la GTJ, c’est pour le pur plaisir. J’ai pris la trace de Stéphane Brogniart, même s’il y a des traces officielles de l’Office du tourisme du Jura et que le sentier est balisé. Mais cela me permet d’avoir un chrono de référence, avec des points de ravitaillement. Et puis, c’est quand même inspirant de courir sur les pas d’un champion comme lui !

En outre, ça va faire partie de mon BTS et je vais faire pas mal de tests physiologiques pour voir l’impact de mon alimentation pendant la course. Il y a également l’aspect dépassement de soi qui m’attire énormément dans ce défi. Et puis ça permet de montrer que quand on a envie de faire quelque chose, qu’on peut, si on se donne les moyens de réussir.

La cerise sur le gâteau : on prépare un film qui sortira fin juillet. Il ne sera pas diffusé publiquement car je m’en servirai dans mes conférences. Mais peut-être que la communauté de RUNNEA pourrait en bénéficier d’un petit bout… Restez attentifs !

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Coureur hédoniste.
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Frédéric est notre coureur hédoniste. Le plaisir de courir. Né à Buenos Aires, Frédéric est diplômé de la Sorbonne devenu copywriter et coureur récréatif. Avec Fred tout est sujet à une étude détaillée pour en extraire les meilleures sensations. Pas étonnant donc que ce grand connaisseur de vins, cafés, thés, chocolats nous livre des analyses de chaussure de running subtiles et exhaustives. Un vrai coureur épicurien !